Archives de l’auteur : Anne Pesce

À propos Anne Pesce

ANNE PESCE est née en 1963 à Pantin. Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Paris Cergy, ENSAPC. Elle vit et travaille à Vence. Artiste représentée par la galerie Modesti / Perdriolle à Bruxelles et par galerie Jean-Paul Barrès à Toulouse. Elle enseigne à l’ École Municipale d’Arts Plastiques, Nice. Résidences 1989 : Ateliers d’été proposés par Noëlle Tissier à Sète Été 1993 : Rotation OP 93/4 à bord du navire ravitailleur des TAAF le « Marion-Dufresne », entre les Îles Crozet, Kerguelen et Amsterdam regroupées sous le nom des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) 2004 : Une année en Islande, à Skriduklaustur, centre culturel et Institut Gunnars Gunnarsson à Egilsstadir, puis à Skaftfell centre d’art contemporain de Seydisfjordur, et enfin SIM à Reykjavik. 2013 - 2015 New-York, USA. 2013 : Atelier, 41 Varick Ave, Williamsburg Bushwick, Brooklyn. 2014 et 2015: The International Studio & Curatorial program 1040 Metropolitan Ave, Brooklyn. Collections publiques  FNAC Frac Ile-de-France Frac Midi-Pyrénées Frac Languedoc Roussillon Fonds d’art contemporain de la ville de Genève Expositions personnelles 2020 14 Mars > 30 Juin RÉSIDENCE au Narcissio, Sur une invitation de Florence Forterre, le Narcissio 16 rue Parmentier 06100 Nice 2018 19 Mai > 27 Mai LA LEÇON DE MUSIQUE, peintures 2017-2018 Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux Samedi 19 mai 17:00 > 19:00 : concert performance : LA LEÇON DE MUSIQUE Les peintures et la transcription pour piano de Eve Risser « Le seul parce que sans pourquoi possible »  2017 4 Mars > 4 Juin « La vitesse de la lumière est 300 00 km/s » Galerie de la marine, Nice. Expositions collectives 2021 4 / 5 Septembre PLEIN AIR - BREIL SUR ROYA un festival imaginé par ENTRE / DEUX 2020 19 Septembre > 25 Novembre CAMIN’ART une proposition de Évelyne Artaud Musée de Vence et Chapelle est pénitents blancs, Vence. 05 > 31 Juillet ILS ANNONCENT LA COULEUR, autour du Wall Drawing de Sol Lewitt, Collection Musée de Vence, commissariat Évelyne Artaud.Yves Klein, Paul Jenkins, Edouardo Arroyo, Anne Pesce, Philippe Cognée, Satoshi Sakusaï, Marinette Cueco, Dominique Jouve, Laurent Chaouat, Marc Alberghina, Jacques Vimard, Christian Jaccard 2018 8 > 21 décembre SIGNATURES Le Salon des Editions, multiples et objets d’artistes, Le Narcissio, Nice 14 Juillet > 26 Août CARNETS, Halle Nord, Genève, Suisse

NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 2019 – 2022 – 2023

NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 28 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 27 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm

« La rose est sans pourquoi ; elle fleurit parce qu’elle fleurit,

N’a souci d’elle-même, ne cherche pas si on la voit. » *

Je meurs mais je meurs sans mourrir

et je me dit :

Tu peux y aller, tu peux te rejoindre.

* ( Premier livre des poésies spirituelles d’Angelus Silesius, « Le Pélerin Chérubinique. Description sensible des quatre choses dernières ». )

NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 27 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 26 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 25 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 24 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 23 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 23 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 22 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 21 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 18 2023 Huile toile 150 cm x 100 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 17 2023 Huile toile 150 cm x 100 cm
X / Z > X < Z DU PAYSAGE IV 2019 huile sur toile libre 130 x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 1 2022 Huile toile Ø 130 cm
FLEUR FLEURIT PARCE QU’ELLE FLEURIT, NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 43 2022 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 3 2022 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 4 2022 Huile sur papier 153 cm x 103 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 5 2022 Huile sur toile libre américaine 160 cm x 110 cm

NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 6 2022 Huile sur toile l150 cm x 100 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 7 2022 Huile sur toile 150 cm x 100 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 8 2022 Huile sur toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 9 2022 Huile sur toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 3 2022 Huile toile 150 cm x 100 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 5 2022 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 5 2022 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 14 2022 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 15 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm
NE CHERCHE PAS SI ON LA VOIT 16 2023 Huile toile libre américaine 160 cm x 110 cm

FLEUR, NE CHERCHE PAS SI ON LA VOI, FLEUR, QUI N’A SOUCIS D’ELLE-MÊME, FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 2022

FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 35 2022 Huile toile 146 cm x 114 cm #peinture #painting #artcontemporain #contemporaryart
FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 34 2022 Huile toile 146 cm x 114 cm
FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 30 2022 Huile toile 130 cm x 180 cm
FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 32 2022 Huile toile 146 cm x 114 cm
FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 31 2022 Huile toile 146 cm x 114 cm
FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 29 2022 Huile toile 100 cm x 100 cm
FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 16 2022 Huile toile 70 cm x 70 cm
FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 20 2022 Huile toile 100 cm x 100 cm
FLEUR, L’INCONNAISSABLE DE L’IMAGE – 21 2022 Huile toile 100 cm x 100 cm

PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 2022

PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 1 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 2 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 3 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 4 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 5 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 6 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 7 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 8 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 9 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 10 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 11 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 12 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 15 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 16 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 17 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 18 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm
PEINTURE SUR PAPIER DE VERRE – 19 2022 Huile sur papier de verre 56 cm x 46 cm

Debout comme Rilke. Couché comme Proust. Assis comme Nietzsche, c’est toujours la même question : comment est-ce que je place mon corps pour que mon esprit s’exprime ?

CORPS ET ÂME

La Croix Le Journal

Texte complet

Véronique Olmi
Ecrivain

Dans cette chronique, Véronique Olmi se penche sur l’harmonie indispensable entre notre âme et notre corps.

Véronique Olmi, le 27/12/2021

Il est tôt ce matin-là, lorsque, allumant la radio, j’entends parler une peintre que je ne connais pas : Anne Pesce. Elle dit que tous les jours, à 5 heures et quart (précisément l’heure à laquelle elle parle ce jour-là sur France Inter), elle part pédaler sur le col de Vence, environ 30 km pour deux heures d’efforts physiques : « Une ascèse méditative spirituelle pour l’élaboration de ma peinture, dit-elle, un moment répétitif, ritualisé, pour lequel je me mets en méditation de recevoir sur la surface de mon corps tous les phénomènes atmosphériques et météorologiques. Ensuite quand je rentre dans mon atelier, je reconvoque toutes ces sensations et j’en cherche les gestes picturaux. »

J’imagine cette femme, dans les dernières heures de la nuit, son visage, que je ne connais pas, son corps, dans le froid, la montagne déserte, les cris des animaux, le chant des premiers oiseaux, cette façon de contraindre son corps pour libérer son esprit, cette confrontation et cette acceptation de la nature encore hostile, secrète, avant le geste créatif. C’est une ascèse, oui, une façon d’offrir aux éléments sa vulnérabilité, et aussi, d’en faire partie. Être là. Dans une présence difficile, une participation respectueuse au monde, pour redonner ensuite, dans l’expression picturale, ce qui a été reçu.

VOS VIES SONT PLUS VASTES QUE VOUS NE LE PENSEZ

Mes lectures à haute voix aspirées ainsi, désormais voix en silence, mobiles dans mon corps. Mes notes et des textes réunis.

Attentive à la façon dont la nature me frotte quand je la traverse, ainsi mes formes et mes couleurs sont ces états de conscience spirituelles. Voilà mon expérience, mes observations après avoir lu Spinoza : « on ne sait pas ce que peut le corps »       problème de l’expression chez Spinoza quand exprimer veut dire traverser. Mon esprit conçoit les choses sous l’espèce de l’infini, elles sont non fermées, difformes. Mais mon esprit est enveloppé de mon corps, cette surface frottée par la nature affectée par les phénomènes atmosphériques et météorologiques. Mon corps parce qu’il est fini, informé, a le pouvoir d’interpréter mon esprit; je veux dire qu’il est alors capable de peindre de s’agiter avec précision afin que mes gestes picturaux donnent exactement formes colorées à mes états de conscience spirituels.

LA PEINTURE EST LE SEUL PARCE QUE SANS POURQUOI POSSIBLE

« La rose est sans pourquoi ; elle fleurit parce qu’elle fleurit, n’a souci d’elle-même, ne cherche pas si on la voit. » 

( Premier livre des poésies spirituelles d’Angelus Silesius, « Le Pélerin Chérubinique. Description sensible des quatre choses dernières ». )

La rose est sans pourquoi, mais elle n’est pas sans raison.

« Le plus heureux moment de la peinture ? C’est quand les tableaux quittent l’atelier et vont dans le monde. Je dis que je peins dos au monde parce que quand on se lève le matin et qu’on se sent très heureux, sans aucune raison dans le monde, c’est ça que je peins, les subtiles émotions qui n’ont aucune cause dans ce monde. J’espère que les gens vont comprendre que leurs réponses à ma peinture sont abstraites et que leurs vies sont plus vastes qu’ils ne croient. » « Je me souviens que c’était si plat, qu’on pouvait voir la courbure de la terre. Et quand on apercevait un train à 9h du matin, on le voyait encore s’éloigner à midi. »

AGNES MARTIN – DOS AU MONDE – Un film de Mary Lance

L’IDÉE MUSICALE DE LUDWIG VAN BEETHOVEN

« Je porte mes idées en moi longtemps, souvent très longtemps avant de les écrire. [ … ] Je change beaucoup de choses, je rejette et j’essaie de nouveau autant qu’il le faut jusqu’à ce que je sois satisfait. Alors commence dans ma tête l’élaboration en largeur, en longueur, en hauteur et en profondeur [ … ]. Vous me demanderez où je prends mes idées ? Je ne peux pas le dire avec certitude ; elles surgissent sans avoir été évoquées, immédiatement ou par étapes. Je pourrais les saisir avec les mains dans la libre nature, dans la forêt, dans le calme de la nuit, à l’aurore ; ce qui les suscite, ce sont les dispositions d’esprit qui s’expriment avec des mots chez le poète et qui s’expriment chez moi par des sons, résonnant, bruissant, tempêtant, jusqu’à ce qu’enfin ils soient en moi de la musique. » 

MICHAËL LEVINAS : BEETHOVEN TOUJOURS, TRENTE-DEUX SONATES, POUR QUEL INFINI ?
 Pages 231, 232, 233

 » La peau du poulpe peut à elle seule détecter la lumière et produire une réponse qui affecte sa couleur. »

Symphonie 

Par une fin d’après-midi d’été, je plongeais vers l’un de mes endroits porte-chance, où j’avais déjà rencontré plusieurs seiches géantes. Je ne fus pas déçu. Une seiche de taille moyenne, probablement un mâle, se trouvait dans la tanière et, même de loin, je pouvais voir qu’elle arborait des couleurs intenses. Mon arrivée ne l’a pas troublée, mais elle n’était pas particulièrement curieuse ou attentive. Elle était très calme. Je me suis assis près d’elle, juste à l’extérieur de sa tanière. Comme elle me faisait face, tournée vers la mer, je regardai ses couleurs changer. La série était fascinante. J’ai tout de suite remarqué une couleur rouille, différente des rouges et des oranges habituels. On pourrait penser que j’ai observé au cours de mes expéditions toutes les nuances de rouge et d’orange que peuvent afficher ces animaux, mais non, celle-ci était différente, une rouille un peu brique. Il y avait aussi des gris-verts, d’autres rouges et des couleurs si pâles que je ne pouvais pas vraiment les définir. Tandis que je l’observais, j’ai constaté que ces couleurs changeaient de façon concertée, et ces changements étaient si complexes que j’étais incapable de les suivre. Cela me faisait penser à de la musique, à des accords qui se superposeraient sans cesse. La seiche modifiait plu­sieurs couleurs en séquence ou ensemble – je ne remarquais pas lesquelles – et produisait un nouveau motif, une nouvelle combinaison, qui pouvait s’afficher un certain temps ou commencer immédiatement à se transformer en un autre motif Il y avait des combinai­sons brun foncé-jaune pâle, des combinaisons rouges qui étaient plus familières et d’autres encore. Que faisait-elle ? L’eau devenait de plus en plus sombre, et sous sa corniche, il faisait presque nuit. Son corps n’était pas très actif Je suis resté sur le côté, aussi immobile que je le pouvais et en respirant le moins possible. Les yeux en face de moi semblaient presque fermés, mais je savais que les seiches voient étonnamment bien même pupilles presque closes. Elle jeta un coup d’ œil aux eaux qui s’assombrissaient, où des algues jaune-vert s’agitaient. En voyant ce mouve­ment, je me suis demandé si je n’étais pas le témoin d’une production «passive» de couleurs, où la seiche réfléchissait le mélange de couleurs qui lui parvenait. Mais le passage d’un motif à l’autre semblait plus orga­nisé que cela et de nombreuses couleurs n’avaient pas d’équivalent aux alentours. Elle a continué à égrener ses accords. Je me suis accroupi dans les algues. Elle faisait si peu attention que tout cela était peut-être en train de se passer pendant son sommeil ou dans un état de repos profond. Après tout, peut-être la partie de son cerveau contrôlant la peau était-elle en train de jouer une séquence de couleurs de sa propre initiative ? Je me suis demandé s’il s’agissait d’un rêve de seiche. Lorsque les chiens rêvent, leurs pattes s’agitent et ils poussent de petits gémissements. La seiche ne faisait presque aucun mouvement hormis de petits ajustements de son siphon et de ses nageoires qui la maintenaient sur place. Elle semblait faire aussi peu d’activité physique que possible, le défilement incessant de couleurs et de motifs sur sa peau excepté. Puis les choses ont commencé à changer. Elle s’est raidie ou rassemblée, et a commencé une longue série de mouvements et de couleurs. C’était la séquence la plus étrange que j’aie jamais vue, d’autant plus qu’elle ne semblait pas avoir de cible ou d’objet. La sèche regardait bien au-delà de moi, vers la mer. Elle a regroupé ses bras et montré son bec. Puis elle a replié ses bras au-dessous d’elle dans une pose qui évoquait un missile, et s’est colorée brusquement en jaune. J’ai vérifié si elle regardait quelqu’un, une autre seiche ou un autre intrus. Il n’y avait personne. À un moment donné, elle s’est lancée dans l’étirement latéral que les mâles exécutent lorsqu’ils s’affrontent pour une femelle. Ensuite, elle s’est contorsionnée de façon extraordinaire, sa peau soudainement blanche, les bras noués au-dessus et au-dessous de sa tête. La séquence s’est ensuite apaisée. J’ai reculé et je me suis rapproché de la surface, en res­tant au-dessus de sa tanière, et non plus en face. Le regard toujours perdu au loin, la seiche a com­mencé à se calmer, à descendre de ce fortissimo. Elle a encore pris la pose à plusieurs reprises tout en changeant la couleur de sa peau, puis elle s’est apaisée. Ses bras étaient détendus, sa peau affichait de nouveau ce mélange de rouges, rouilles et verts que j’avais observé à mon arrivée. Alors la seiche s’est tournée et m’a regardé. J’avais froid et il faisait maintenant presque nuit. J’avais passé environ quarante minutes avec elle. Elle était tranquille, la symphonie ou le rêve étaient finis. Je suis remonté à la surface. »  

LE PRINCE DES PROFONDEURS
L’INTELLIGENCE EXCEPTIONNELLE DES POULPES 
PETER GODFREY-SMITH
Editions Champs
Pages 204, 205, 206, 207